Postulat n° 45 - Demande d’étudier la possibilité d’apposer des plaquettes ou des panneaux didactiques à côté de certaines plaques de rues ou de places en ville de Fribourg

B. Altermatt (Le Centre/PVL), V. Kohler (Le Centre/PVL), S. Jordan (PS), G. Bourgarel (Vert·e·s), M. Page (CG-PCS)

Développement du postulat

Ce postulat demande au Conseil communal d'étudier si certaines plaques portant des noms de rues ou places pourraient ou devraient utilement être accompagnées de panneaux didactiques servant à les contextualiser dans l'histoire. En langue française, le terme de "médiation" est parfois utilisé pour désigner les initiatives telles que celle visée par ce postulat. En allemand, on parlerait d'un effort de "Vermittlung" et au Québec de "panneaux d'interprétation". Le souci, commun à ces approches terminologiques différentes, est celui de transmettre du savoir, d'expliquer et de contextualiser des éléments de notre passé qui sont inscrits dans le paysage urbain contemporain. Généralement, ce genre de démarche a une visée purement touristique, mais le présent postulat vise un but au-delà de cet aspect pragmatique et informatif.

L'histoire inscrite dans l'espace public

Comme dans toute collectivité, les connaissances et les interprétations sur l'histoire locale évoluent à Fribourg avec le changement des mentalités et des sensibilités, mais aussi en fonction de l'évolution des connaissances historiographiques et de leur diffusion au sein de la société. Le travail important des historiennes et historiens, professionnels et amateurs du vaste chantier de notre patrimoine historique est à saluer expressément dans ce contexte.

Dans l'espace public, l'histoire s'inscrit dans la conscience commune, notamment au travers des constructions anciennes, du patrimoine bâti et des monuments faisant vivre le passé dans notre quotidien. Un autre élément sont les références à des personnes, des lieux et des événements que nous retrouvons dans les noms de rues ou de places. Des commissions toponymiques et de nomenclature étudient, préavisent et proposent les noms de lieux que notre ville, mais aussi les autres communes et le canton utilisent dans l'espace public.

Les noms de lieux faisant partie de la vie de tous les jours, ils suscitent régulièrement – et c'est un phénomène absolument normal et légitime – des envies de modification, des interrogations quant à leur pertinence, des critiques esthétiques, linguistiques, sociétales, voire éthiques et morales. Parfois, les visions du monde et les interprétations différentes de l'histoire se heurtent les unes aux autres et mènent à des débats controversés.

Des demandes régulières d'adaptations

Notre Conseil vit, durant chaque législature, des débats engagés à cet égard et nous nous en félicitons, car cela montre qu'il existe un intérêt pour des questions fondamentales liées à notre passé et à la manière dont notre communauté appréhende actuellement ces questions et se projette vers l'avenir. Divers instruments parlementaires ont été déposés ces dernières années, des questions soulevées dans notre Conseil dont, par exemple, des demandes pour inclure davantage de noms de femmes ou de personnes non-genrées dans les appellations de lieux et places ou des postulats pour changer certains noms de rues jugés désuets ou inopportuns, voire blessants ou contraires à des convictions spécifiques.

C'est ici que notre postulat intervient: il n'est pas dirigé contre ces instruments parlementaires déposés ou les préoccupations qu'ils transportent dans l'arène politique. Il se veut, au contraire, complémentaire et nous invitons le Conseil communal à le traiter en englobant les autres requêtes formulées ou transmises par notre Conseil. Notre postulat ne demande pas de changer des noms de rues ou de places. Il propose au Conseil communal d'analyser – en collaboration avec les milieux spécialisés – si des noms de rues ou de places existants s'apprêtent, voire s'imposent à être accompagnés de panneaux explicatifs permettant de contextualiser dans l'histoire les personnes ou événements auxquels ils font référence.

On peut s'imaginer, sans vouloir imposer des modalités ou un procédé spécifique, qu'un mandat soit donné aux Archives de la Ville, qui collaboreront utilement avec les commissions toponymiques et de nomenclatures compétentes, possiblement avec les domaines spécialisés de l'Université et les deux sociétés d'histoire du canton de Fribourg.

Buts recherchés

Les buts recherchés par une telle analyse et la suite que l'on voudra bien y donner est de mieux prendre en compte et de véritablement "rendre compte" des nuances grises, des dimensions inconnues et des zones d'ombre, des aspects qui peuvent et doivent interpeller et, en fin de compte, de mieux faire comprendre la réalité historique et les liens entre passé et présent. Il s'agit aussi – et c'est là un corollaire de notre époque de la surinformation – d'éviter de favoriser une culture de jugement ad hoc.

L'histoire est une denrée vivante. Nous avons l'obligation de soigner la connaissance du passé dans toutes ses dimensions, de transmettre ce savoir, de l'expliquer sans cesse à nouveau, de le mettre à jour encore et encore. Il s'agit d'un travail de mémoire que toute société est amenée à faire. Fribourg ne fait pas exception à cette règle.

Pour clore, permettez-nous de revenir sur une autre finalité, connexe à ce que nous visons: une telle analyse approfondie des noms de rues et places susceptibles d'être agrémentée de plaquettes historiographiques pourrait déboucher sur un élément supplémentaire pour augmenter l'attractivité touristique de notre ville. Fribourg, ville historique et haut-lieu de la formation et de la recherche, a tout à gagner en mettant davantage en lumière les aspects inconnus et méconnus, discrets et dissimulés de son passé, mais qui peuvent être mis en lumière dans son paysage urbain.

Fribourg, le 22 février 2022