Postulat n° 137 - Rapport final du Conseil communal

Demande d'étudier la possibilité de participer à un projet pilote de tarification de la mobilité en ville de Fribourg

Résumé du postulat

Le 13 décembre 2019, le Conseil fédéral a décidé de poursuivre dans la voie de la tarification de la mobilité avec pour objectif premier la réduction des pics d’affluence dans les villes et les agglomérations. Il entend notamment créer les bases juridiques nécessaires pour la réalisation d’essais pilotes dans les cantons et les communes. La ville de Fribourg doit manifester son intérêt à un stade précoce et s’assurer ainsi la possibilité de participer aux essais pilotes.

Un essai pilote en ville de Fribourg, éventuellement en collaboration avec l’Agglomération ou le projet de Plan directeur du district de la Sarine, pourrait permettre d’explorer des possibilités pour atteindre les objectifs du Conseil communal en matière de mobilité: augmenter la part des transports publics et de la mobilité douce et diminuer la pression du trafic individuel motorisé. Il conviendrait également d’examiner si les recettes de la tarification de la mobilité pourraient être affectées au financement des infrastructures de mobilité douce ou de transports publics ou à la réduction des coûts des transports publics pour les habitants de la ville, p.ex. sur le modèle de Neuchâtel qui prévoit pour ses résident-e-s des bons de réduction sur l’achat d’abonnements. Ainsi utilisée, la tarification de la mobilité contribue également à l’égalité sociale, étant donné qu’environ 75% des personnes vivant dans des ménages sans voiture ont de faibles revenus et dépendent donc des transports publics à bas prix. D’autres variantes de mise en œuvre peuvent naturellement être examinées, l’objectif étant de développer des solutions innovantes, écologiques et sociales pour la tarification de la mobilité.

Les postulants demandent au Conseil communal d’étudier la possibilité de s’annoncer auprès de la Confédération pour la mise en œuvre d’un projet de tarification de la mobilité.

Réponse du Conseil communal

Contexte

Le domaine de la mobilité est confronté à de nombreux défis. Nos habitudes de déplacement ont des impacts considérables, entre autres, sur l’environnement et sur la qualité de vie de la population. En 2018, par exemple, 40% des émissions de CO2 de la Suisse ont été émises par les transports et cette proportion est à la hausse. De surcroît, la croissance démographique, ainsi que nos modes de vie engendrent une telle pression sur les réseaux routier, ferroviaire et de transports publics que la viabilité intrinsèque du système global de transport est à remettre en question. Les enjeux touchent particulièrement les zones urbaines, car elles sont densément peuplées et représentent des pôles d’emplois, de services, de formation et de loisirs importants.

Face à ce constat, le DETEC, sur décision du Conseil fédéral, mène depuis 2016 un plan d’étude sur la tarification de la mobilité. L’objectif principal de ce projet est de mettre en lumière, par le biais dans un premier temps d’analyses théoriques, puis dans un second temps de tests pilotes, les impacts positifs d’une gestion dynamique de la tarification de la mobilité sur la durabilité du réseau de transport. Les cantons de Berne, Genève, Neuchâtel, St-Gall, Zoug et du Tessin avaient manifesté leur intérêt pour la première étape du projet. Cependant, ils ont finalement renoncé à aller de l’avant, à l’exception de Zoug. Selon un communiqué de presse de la Confédération, ils s’intéressaient principalement à des péages routiers dans les villes. Alors qu’une augmentation tarifaire des transports publics aux heures de pointe leur semblait prématurée, voire irréaliste.

Le canton de Zoug se prêtait, quant à lui, bien à l’expérimentation d’une analyse théorique de la tarification de la mobilité, étant donné qu’il disposait de précieuses connaissances préalables en la matière: il avait supervisé l’étude sur la réduction des pics d’affluence réalisée dans le cadre de l’organisation "Metropolitan Konferenz Zürich". De plus, dans son plan directeur cantonal, le canton désignait déjà la tarification de la mobilité comme un instrument de politique des transports qui mérite d’être examiné. Cette étude théorique a pu démontrer, entre autres, que la mise en place de tarifs différenciés en fonction de l’heure permet d’atteindre une réduction des pics d’affluence et ainsi diminuer les surcharges de trafic. Toutefois, il est apparu que la mise en œuvre de la tarification de la mobilité est complexe, que de très nombreux détails doivent encore être clarifiés et qu’un éventuel changement de système demande un long délai de mise en œuvre.

Ce n’est donc que récemment (février 2021) que le Conseil fédéral a décidé de mettre en consultation une loi sur les projets pilotes de tarification de la mobilité, afin de rendre possible la deuxième phase qui consiste à réaliser des tests pilotes. Suivant les modalités, la responsabilité de ces projets reviendra aux cantons et communes ou aux organisations intéressées. Les cantons d’Argovie, de Bâle-Ville, de Genève, du Jura, de Thurgovie (Frauenfeld), du Valais et de Zoug, et les villes de Berne, Bienne, Delémont et Zurich ont laissé entendre à la Confédération leur volonté de tester la tarification de la mobilité dans le cadre d’un projet pilote. L’objet d’une étude de faisabilité statuera sur l’éventuelle réalisation de ces projets dans ces régions.

Perspectives à plus large échelle

A Fribourg, comme ailleurs, les problématiques de saturation du réseau de transports et ses impacts négatifs ne s’arrêtent pas aux frontières de la ville. Dès lors, une réflexion autour d’une potentielle planification et gestion de projet "mobility pricing" serait plus opportune à l’échelle de l’agglomération et/ou du canton. Ces derniers seraient plus à même de donner une réponse holistique aux enjeux globaux de mobilité, en harmonisant par exemple ce projet avec la stratégie de planification territoriale qui joue un rôle primordial dans les habitudes de déplacements. Ils pourraient aussi parfaire ce projet en l’accompagnant d’autres mesures: inciter les entreprises à appliquer la flexibilité des horaires et le télétravail, encourager les opérateurs de transports publics à mettre en place des mesures de gestion d’affluence (ajouts de wagons, réductions des wagons de première classe, création de wagons de places debout en échange d’une réduction du prix du billet pour les courts trajets, imposition des véhicules, tarification des transports publics, …), etc.

De surcroît, le DETEC doit encore affiner la solidité du projet notamment sur la question de la protection des données: selon le concept de tarification de la mobilité, le prix d’un trajet en train ou en voiture est fixé en fonction du profil de déplacement des usagers. Dès lors, la protection des données est primordiale. Ils doivent également éclaircir certaines questions concernant la technologie: la mise en œuvre de la tarification de la mobilité requiert l’enregistrement des kilomètres parcourus par moyen de transport, lieu et heure. Il faut, pour ce faire, recourir à des technologies infaillibles et capables d’empêcher les abus.

Ainsi, bien que l’initiative de la Confédération soit une voie intéressante à explorer, l’introduction d’une tarification dynamique pour l’utilisation des réseaux de transport serait extrêmement complexe à mettre en œuvre sur le plan technique et celui de l’exploitation et représenterait des coûts non négligeables. De plus, les buts, ainsi que les perspectives de réussite, ne sont pas suffisamment solides pour que les mesures puissent, de manière certaine, prendre une forme définitive. Enfin, la Ville de Fribourg ne dispose pas actuellement d’un personnel suffisant pour mener à bien un projet d’une telle ampleur.

Stratégie de la Ville de Fribourg

Dès lors, bien que les résultats de l’essai théorique à Zoug aient encouragé la Confédération à poursuivre ses travaux, la ville de Fribourg, à elle seule, ne peut aujourd’hui pas s’engager dans un essai pilote de cette ampleur. Cependant, de nombreuses études démontrent que la question du prix de la mobilité est certes importante, mais elle n’est certainement pas le critère principal qui détermine le choix des déplacements ou qui incite au report modal du transport individuel motorisé (TIM) vers les transports publics et vers la mobilité douce. La Ville s’active à trouver et à mettre en œuvre des solutions qui permettent de lisser les pics d’affluence sur l’ensemble des modes de transport.

Pour ce faire, les mesures priorisées sont celles qui portent sur le développement et l’amélioration de l’offre de transports publics et des infrastructures de mobilité douce, et la maîtrise du trafic individuel motorisé (TIM), en particulier le trafic de transit et le trafic pendulaire. Afin d’orienter les modes et habitudes de déplacements des usagers, la Ville manie des outils de planification volontaristes, tel que:

  • Le Plan d’Aménagement Local (PAL) qui, "pour résoudre les problèmes d’encombrement, privilégie donc les transports publics et la mobilité douce, ce qui implique de mieux répartir l’espace à disposition sur les voies de circulation, aujourd’hui prioritairement attribué à la voiture. La stratégie de la mobilité consiste à organiser les transports selon un concept multimodal, de la manière la plus efficace possible; favoriser, par une politique de l’offre, l’évolution des comportements et, par voie de conséquence, l’amélioration du fonctionnement de la mobilité en ville et la diminution des nuisances".

Et aussi:

  • Le règlement communal de stationnement qui permet un dimensionnement des places de stationnement adapté à la capacité du réseau routier et donc une bonne gestion du trafic. En effet, le nombre de places de stationnement disponibles, la durée et le prix du droit de stationner influencent considérablement la demande de transports routiers motorisés.

La commune réalise surtout des mesures concrètes qui, in fine, influencent les habitudes de déplacement et favorisent le report modal. Ces projets consistent par exemple en:

  • des promotions ciblées sur certaines catégories de la population ou sur certains segments de l’offre comme les déplacements de loisirs (abonnement zone 10 pour les écoliers / billet combiné TP-Motta, …)
  •  une lutte contre le trafic de transit par le compartimentage (borne avec horaire ciblé, mises en zone, …)
  • des limitations de vitesse pour une meilleure cohabitation entres les modes, une amélioration de la fluidité du trafic et une réduction des embouteillages
  • des aménagements qui permettent une nette amélioration des conditions cadres de circulation des bus urbains (voie de bus, priorisation au carrefour, suppression de feux, …)
  • des requalifications et des aménagements qui encouragent la mobilité douce (bande cyclable, piste cyclable, réseau Publibike, placettes, végétalisation, …)
  •  etc., …

La Ville suit avec attention les travaux et réflexions menés par la Confédération et est convaincue qu’à moyen terme, la tarification de la mobilité constituera un bras de levier capital pour maîtriser les charges de trafic et influencer la répartition modale, en particulier dans les centres des agglomérations.

Au vu de ce qui précède, le Conseil communal estime avoir répondu aux questions posées par les auteurs du postulat.

Le postulat n° 137 est ainsi liquidé.